Article de Plaisir du Gers, été 2024

Les Cafés Di Costanzo, torréfacteurs de nectars.

D’une petite entreprise gersoise, Emilie et Etienne Gavanier ont fait une réussite remarquable, offrant à une large clientèle des cafés d’exception provenant des plantations d’altitude sur trois continents. Ces torréfacteurs engagés se soucient aussi bien du bien-vivre des communautés des producteurs là-bas, et de préserver notre planète.

Rien ne prédisposait L'Isle-Jourdain à devenir un lieu réputé pour l'excellence de ses cafés. Ils sont sélectionnés, importés, torréfiés, apprêtés, ensachés et distribués par les Cafés Di Costanzo, reconnus pour leur qualité et distingués par plusieurs prix et labels. C'est surtout le fruit savoureux de la des- tinée. Celle qui, d'abord, a conduit Jean-Louis Di Costanzo à côté d'ici, à Pujaudran. Il n'avait pas 20 ans quand sa famille a quitté l'Algérie, sans espoir de retour, après s'y être implantée un siècle plus tôt en provenance du sud de l'Italie. Ils ont trouvé dans le Gers une terre d'accueil. Et c'est là qu'en 1982, Jean- Louis et sa femme Gina ont monté leur << brûlerie » pour torréfier des cafés importés, sans doute alors la seule du département.

En 2007, le destin les a mis sur le chemin d'Etienne et Emilie Gavanier. Ils n'ont pas 30 ans, en poche leur diplôme d'ingénieur agronome de l'école de Purpan, elle en oenologie, lui en gestion, et se préparent ensemble à changer de vie professionnelle. Chacun de son côté, après des voyages et des séjours formateurs à l'étranger, ils "s'ennuyaient" dans des structures administratives. Après réflexion, ils se sont mis en quête d'une petite entre- prise à reprendre dans le secteur agro- alimentaire, située «< dans le sud »>, n'excédant pas leurs modestes moyens et supportant peu de charges. Ils ont écumé plusieurs régions et fini par se fixer sur l'affaire mise en vente par les Di Costanzo et s'installer à Pujaudran, dans leur local de 300m2.

Clientèle professionnelle

« Nous avions tout à apprendre, confie Emilie, et moi je n'aimais pas le café. »> Mais ils avaient bien perçu le potentiel des Cafés Di Costanzo, forts de leurs double clientèle, régionale de CHR (cafés, hôtels et restaurants) et locale de particuliers. Ils ont d'ailleurs gardé le nom, synonyme de bon café pour leur clientèle, du fait des sélections d'arabica d'Amérique latine opérées par leurs prédécesseurs, la consonance italienne ne gâchant rien.

À deux au départ, les néo-torréfacteurs vont cultiver en priorité la clientèle professionnelle, tout en apprenant le métier sur le tas. Le secteur est dominé par des géants, comme Lavazza ou les Cafés Richard.

 Ils ont compris qu'il fallait se démarquer en offrant une meilleure qualité et un service impec- cable, à un coût plus élevé mais justi- fié. En une quinzaine d'années, une fois acquise la maîtrise indispensable, ils réussissent à multiplier par cinq le nombre des clients du secteur CHR. Ils en livrent un millier aujourd'hui. Le modèle économique est éprouvé : ils leur proposent un contrat de four- niture, qui comprend la machine, l'en- tretien et les cafés. Pour la première, ils s'adressent à un fournisseur réputé éta- bli en Toscane et pour la maintenance, ils ont monté un service technique très compétent qui offre même d'améliorer les machines déjà installées en matière d'isolation, donc d'économie d'énergie.

Cafés de spécialité et cafés de projet

L'atout numéro un demeure toutefois la saveur et la diversité des cafés propo- sés. Les Gavanier n'ont eu de cesse d'aller chercher les meilleurs, qualifiés de cafés de spécialité. Il faut souvent les dénicher en altitude, dans des régions reculées de pays compliqués. Ils ont pu compter sur Belco, une société borde- laise spécialisée dans leur repérage et leur importation.

Elle joue un rôle très précieux d'intermédiaire avec les producteurs, en leur prodiguant des conseils et des techniques, afin de préserver la qualité et les saveurs des différentes variétés de café. Ceci, aussi bien pour leur éviter les intrants chimiques en culture que pour affiner la préparation des "cerises" récoltées qui contiennent les grains.

Là où c'est faisable, les plantations partenaires sont souvent cultivées en agroforesterie et nombre de cafés importés sont bios. Ces variétés sont considérées et traitées comme des grands crus. Cela va plus loin, quand ces produits recherchés deviennent aussi des leviers pour que les producteurs puissent en vivre, développent leurs projets et que leurs exploitations soient durables. Ces “cafés de projet” , comme on les qualifie, rentrent tout à fait dans les objectifs partagés par Belco et ses clients comme les Gavanier. Ils ont pris le temps d'aller rencontrer ces planteurs méritants au Costa-Rica et en Equateur.

Du goût à la passion

« Les goûts, on y a été formé et on aime ça, explique Emilie, mais une fois entrés dans l'univers du café, on s'est pris de passion pour ces variétés rares". Ils s'y sont livrés à fond. Elle a patiemment suivi le cursus pour décrocher la qualification d'Arabica Q Grader, décernée par la Society Coffee Association, qui lui permet de noter tous les cafés en respectant un protocole très strict. Ils sont 6 000 dans le monde et 50 en France.

Lui est devenu un torréfacteur hors pair, susceptible de déterminer le meilleur processus pour chaque variété. Les cafés de spécialité exigent des méthodes plus respectueuses et plus lentes. “Notre torréfaction est artisanale, elle peut durer entre 15 et 20 minutes, précise Etienne, là où un industriel l'expédie en quelques dizaines de secondes ou quelques minutes”. Il en fait aussi à la demande, selon les préférences des clients.

S'ils ont un regret, c'est de ne pas toujours arriver à faire comprendre au consommateur l'importance de la dernière étape à sa charge: la mou- ture et l'infusion. Elle réclame soin et précision pour ne pas “rater le café”  et perdre ses précieux arômes. “On continue de prêcher, et le message finit par passer” , dit Emilie en souriant. L'équipe, elle, est au parfum, motivée par la renommée grandissante des produits et gratifiée par la qualité reconnue du travail. Elle a été chahutée par l'interruption due au covid, qui a entraîné, comme ailleurs, des remises en cause personnelles. Mais, elle s'est remise d'aplomb, avec quelques nouveaux venus animés par le même esprit.

Croissance accélérée et vertueuse

« On a envie d'aller au boulot avec la banane, quitte à ne pas grandir trop vite»,dit Emilie.

C'est raté, du moins pour la deuxième partie. Les Cafés Di Costanzo figurent dès 2018 dans le classement des 500 entreprises les plus dynamiques de France établi par le journal Les Echos, la seule dans le Gers. Au fil des déménagements réalisés ou projetés, les Gavanier ont calculé que leur entreprise double à peu près de surface tous les 7 ans ». En 2010, ils se sont installés à côté de Pujaudran dans un bâtiment de 450 m2. Puis, en 2017, ils ont investi un entrepôt moderne de 750 m2, avec bureaux et boutique, dans la zone artisanale du Pont Peyrin à l'Isle- Jourdain. Et cette année, ils font construire, juste à côté, un bâtiment bas carbone, en bois, terre et paille, de 1 400 m2. En 2023, avec l'équipe d'une vingtaine de salariés, ils ont réalisé un chiffre d'affaires de 3,7 ME.

Encore fallait-il étayer cette croissance rapide. Leur secteur d'activité, fixé au départ à « deux heures de route autour de l'Isle-Jourdain », s'est étendu sur un axe Bordeaux, Montpellier. Ils développent aussi un réseau de machines à « bon» café dans les bureaux. Après leur première boutique, ils en ont ouvert une deuxième au cœur du vieux Toulouse, puis racheté une troisième qui a pignon sur rue à Tarbes et une autre à Pau, qui serviront de point d'appui à l'entreprise. On y trouve, en plus de la gamme des cafés, le matériel nécessaire à leur préparation et à la dégustation, mais aussi du chocolat de grande origine, des thés, des infusions et des confiseries.

 Pour ce torréfacteur engagé, l'expansion ne se fait pas au détriment de la planète. Economie d'énergie et réduction ou recyclage des déchets sont au programme, à l'exemple des sacs de café réutilisés en agriculture, de la suppression des emballages en aluminium ou en carton, des livraisons en caisses consignées, du compostage des marcs de café ou encore de la récupération des pellicules de grain par un producteur de champignons. Un effort constant qui a valu à l'entreprise d'être la première du Gers labellisée “zéro déchets".

Là où c'est faisable, les plantations par- tenaires sont souvent cultivées en agro- foresterie et nombre de cafés importés sont bios. Reste l'épineux problème du transport, gourmand en énergie carbonée. Les Gavanier tentent de l'aborder de deux façons. Ils ont fait venir par péniche via le canal du midi 15 tonnes de café débarquées à Marseille. Mais l'équipement du port fluvial pour le stockage et le transbordement des marchandises s'est avéré insuffisant. Par ailleurs, ils sont, avec le bordelais Belco, partenaires de l'armateur breton TOWT, qui leur a déjà rapporté d'Amé- rique 22 tonnes sur un voilier amé- nagé et va expérimenter l'an prochain un voilier-cargo de 1 000 tonnes sur des destinations comme la Colombie et le Brésil. Ils comptent ainsi réduire à presque rien l'empreinte carbone des cafés importés, soit 200 tonnes l'an dernier.

Un carré d'as

L'excellence est à la base du succès des Cafés Di Costanzo. « Point d'orgue de chaque repas, mais aussi boisson clef des débuts de journée, il était primordial pour nous de trouver un café à la hauteur!», assure Guillaume Viala, chef du Belvédère, restaurant étoilé Michelin à Bozouls (Aveyron). Parmi la vingtaine que proposent l'entreprise sur son site et en boutique, en grain ou moulu, aux professionnels comme aux particuliers, en voici quatre particulièrement appréciés, illustrant la diversité de la gamme.